Je viens d’une famille américaine type. Mon père est dans la force de l’ordre et ma mère, enseignante; ils se sont rencontrés lors d’une visite scolaire de la caserne, ils sont allés prendre un verre, ils sont tombés amoureux et se sont mariés à vingt-cinq ans. Ma sœur, la diva, est née neuf mois après leur lune de miel. Pour ma part, le petit démon, je suis sortie des entrailles de ma mère le jour où mon père a été promu capitaine, et mon frère, l’artiste, est né trois ans plus tard. Peu de temps après sa naissance, ma mère a développé des maux de tête chroniques et, comme j'étais une enfant volubile qui avait besoin de bouger, mon père m'emmenait souvent à la caserne afin de permettre à ma mère de se reposer. À la caserne, je passais le plus clair de mon temps en compagnie de Max et Roxie, les deux chiens de l'équipe cynotechnique. De là est né mon amour pour les animaux. J'ai sans doute passé plus d'heures qu'il m'est possible de me remémorer à la caserne 21. Je connaissais tous les collègues de mon père et tous les collègues de mon père me connaissaient. Pendant longtemps, mon père a été mon héro et j'ai rêvé de marcher dans ses pas. Des trois enfants, j'étais celle qui passait le plus de temps avec notre père, alors que mon frère était le favori de notre mère, et je crois que ma soeur ne nous l'a jamais pardonné. À vingt ans, elle a remporté le titre de Miss America et est devenue une top-model internationale. Depuis, on ne la voit plus beaucoup. Une fois avoir terminé le lycée, j'ai fini troisième au test de recrutement de l'académie des pompiers et à vingt et un ans, j'intégrais l'équipe de la caserne 21. Malheureusement, mon illustre carrière en tant que pompière fut réduite en cendres peu de temps après s'être allumée. Je n'aurais jamais cru que les gars de la caserne rendraient mon existence infernale uniquement parce que j'étais une fille. Je croyais qu'au 21e siècle, la société avait dépassé les inégalités entre sexes, mais j'avais eu tord. Même les collègues de mon père que je connaissais depuis mon enfance me menaient la vie dure. Un jour, alors que j'étais nue sous le jet d'eau chaude à la fin d'une journée particulièrement éreintante, je m'étais retrouvée plaquée contre le mur des douches communes par le lieutenant, un sale type qui avait rejoint la caserne quelques années auparavant... j'ai beau être têtue, mais cette fois, avoir été agressée sexuellement m'avais convaincue de remettre ma démission et de renoncer à la profession. À l'automne, je m'étais inscrite à l'université en soins animaliers pour devenir vétérinaire. Mon frère, pour sa part, avait décidé de rejoindre la division des soins d'urgence au sein des services d'incendie. C'était mon frère tout craché, ça. Tout jeune, il prenait soin de notre mère, lui apportait ses médicaments et insistait pour l'accompagner à tous ses rendez-vous médicaux. Il avait tout d'un intellectuel, à la déception de notre père. Celui-ci avait rêvé d'un fils qui aurait été capitaine de l'équipe de football comme lui-même l'avait jadis été. Il y a quelques temps, j'appris que mon père avait toujours été contre l'idée que je devienne pompière, considérant la profession trop risquée pour sa fille, et qu'il avait ordonné aux hommes sous son commandement de faire le nécessaire pour me convaincre de quitter la profession. Alors par principe, j'ai accepté une offre de stage en soins vétérinaires à Jurrassic World. Le feu, trop dangereux? Les dinosaures peuvent l'être d'autant plus.