Divorce. Pauvreté. Décès. Parents absents. Frère violent. Rupture destructrice…. Rangez les violons, Solara n’a rien connu de cela. Sortez plutôt vos banjos, vos harmonicas et attrapez le poisson grillé le plus proche car c’est à cela que ressemble l’enfance de la demoiselle.
« Si tu dis à papa que tu as cassé sa canne à pêche, j’te donne mes malabars. » négocie une petite fille pas plus haute que trois pommes. Face à elle, un garçon pas beaucoup plus grand qu’elle, son frère, se gratte la tête, signe d’hésitation. La dégradation d’un tel objet rime avec hurlements, lamentations et râles constants pendant au moins quarante-huit heures… Tous deux le savent. « Et la prochaine fois que tu fais une bêtise, je ne le dis pas à maman. » rajoute t-elle ou plutôt, ment-elle avant de sourire innocemment de toutes ses dents… Enfin… De toutes celles qui ne sont pas encore tombées. Oui, Solara a été cette gamine aux traits angéliques qui charrie son frère et partage avec lui les paires de gants mais pas les paires de claques… Cette gamine qui dessine sur ses camarades lorsqu’ils n’ont rien demandé et bavarde avec eux lorsqu’un exercice doit être complété mais qui n’est jamais punie. Bref, une chipie.
Mais ce n’est rien en comparaison avec l’adolescente qu’elle fut. Une vraie petite ingrate qui hérita de sa mère une capacité surprenante à passer d’une émotion à une autre et de son père, un sacré caractère. Ses parents ne comptent plus le nombre de nuits qu’ils ont passé éveillés, sur le pas de la porte, à attendre qu’elle rentre, le nombre de claquement de porte à la suite d'une dispute (pour régler ce problème, ils se contentèrent de faire disparaitre la porte de sa chambre) ou encore le nombre d’enseignants ayant remis en cause leur éducation… Car bien qu’elle semblait briller par les résultats obtenus, Solara était loin d’être une élève modèle au lycée : bavardage constant, école buissonnière, sarcasme dès qu’on lui donne la parole… Elle parvint malgré tout à obtenir une bourse afin d’étudier aux États-Unis (le rêve pour elle qui n’avait connu que son petit village d’origine !) différentes langues parmi lesquels l’anglais et le français qu’elle maitrise parfaitement (ou presque, un accent prononcé la trahit).
Seulement ne parvenant à trouver un emploi dans son pays d’adoption à la suite de l’obtention de son master, Solara a été invité par le gouvernement à retrouver sa patrie d’origine. Faut-il encore préciser qu’elle ne prit pas bien la nouvelle. C’est à reculons qu’elle regagna la maison familiale, faisant vivre un vrai calvaire à son entourage les premiers jours (elle ressemblait davantage à un Mosasaurs échoué sur un canapé qu’à une jeune adulte) avant de retrouver le sourire malicieux qui ne la quitte que rarement.
C’est avec cette même expression qu’elle s’est présentée à son entretien afin d’obtenir un job en tant que vacataire dans le parc après  qu’un(e) ami(e) lui ait ouvert les portes. Mais à la malice s’ajoute à présent l’amertume : « gardienne d’enfant ». Voilà son nouveau statut. Beaucoup moins dangereux qu’animalier me direz-vous ? Pas selon Solara que les plus jeunes agacent rapidement.