Jamie n’a pas eu une enfance comme les autres, bien loin de là. Ses parents s’étaient connus en Afrique, sa mère, une archéologue spécialisée en anthropologie biologique y menait des recherches sur les premiers hominidés, alors que son père travaillait au sein de la réserve où elle faisait des fouilles, en tant que zoologue, spécialisé dans les grands félins et carnivores africains. Le coup de foudre, l’idylle loin d’être parfaite, leurs métiers les amenaient souvent loin de l’autre, mais ils firent tout pour persévérer, finissant par prendre un poste de conférencier et de professeur à l’université de New York, organisant leurs missions ensembles. La moitié de l’année en Afrique, la moitié de l’année en Amérique.

Et c’est dans ces conditions que James, en l’honneur de son grand-père maternel, plus connu sous le diminutif affectif de Jamie, vint au monde. Pendant des années, il suivit le même train de vie, dès sa plus tendre enfance, accompagnant soit sa mère soit son père lors de leurs missions, apprenant vite à grandir, débrouillard et aventureux. Il eut la chance de pouvoir grandir entre deux continents, entre deux passions incroyables. Incapable de choisir entre les deux, c'est vers une discipline totalement différente, et pourtant à mi chemin qu'il se dirigea. Malgré une scolarité quelque peu décousue, il eut la chance de faire l'école avec sa mère et des professeurs particuliers, et se montra un élève assidu, intelligent. Brillant. Il intégra la prestigieuse université d'Harvard, où il entama un cursus de géologie et de zoologie. Se démarquant rapidement dans l'une comme dans l'autre de ces majeurs, profitant de son expérience sur le terrain, il obtint sans encombre ses diplômes pour pouvoir se diriger vers la paléontologie.

Et rapidement, Jamie sut que c'était ce pour quoi il était fait. Les longues heures de fouilles dans des conditions extrêmes ne lui faisaient pas peur, il connaissait trop bien cela. La rigueur, la méthodologie scientifique, et la part de rêve de gosse, il avait tout ce qu'il fallait.Sa thèse se passa presque sans anicroche, un sujet classique sur les dinosaures carnivores du jurassic pour résumer grossièrement. Sa mère décéda dans un accident de voiture, le laissant profondément meurtri. Plusieurs mois de pause, passés avec son père dans la réserve du Kenya dans laquelle il venait de décider de travailler à plein temps pour gérer le deuil au grand air. Des discussions enflammées autour du feu de camp le mirent sur la voie. Chaque année de nouvelles découvertes amenaient de nouveaux dinosaures, de nouvelles informations sur leur environnement, leur apparence, leur anatomie, mais leur comportement demeurait encore un mystère. Comment se comportaient ces sauriens, et surtout, les prédateurs les plus terribles qu'aient porté la terre ? Et si finalement notre écosystème n'en était pas si différent d'alors ? Et d'un sujet classique, académique, James en fit un sujet controversé, sujet à polémique, mais traité brillamment pour s'attirer les lauriers de la communauté scientifique qui, si elle reconnaissait qu'aucune réponse ne saurait jamais être apporté, applaudissait l'audace.

Et dès la sortie de sa soutenance, on l'attendait. A peine la trentaine, jeune, brillant, dynamique, et pas froid aux yeux. Il était bien pressenti pour un poste au Smithsonian, il savait les recruteurs d'université aux aguets pour des postes de conférenciers, sans parler des boites privés qui le voulaient comme consultant sur leurs chantiers. Il aurait pu presque tout avoir, même si peu de choses impliquaient une vie au grand air. Et quand un représentant d'InGen se présenta dès la fin de sa soutenance, avec un contrat de confidentialité, comment résister ? L'Histoire était en marche, il pouvait regarder passer le train ou sauter dedans.

Et il décida de sauter.

Dès le début du projet, James servit de consultant scientifique, suivant pas à pas les projets, conseillant sur les équipements, les conditions de vie et d'entretien des dinos. Un boulot à plein temps à lui tout seul, puis petit à petit, il prépara les publications scientifiques, ses premières observations comportementalistes, mais surtout le suivi scientifique du parc. Tout une équipe travaillait à rendre compréhensible les travaux à la point de la recherche, les dernières découvertes sur les dinosaures en intégrant les données récoltées grâce aux dinos en chair et en os. Toute la vulgarisation tournée vers les enfants qui visiteraient le parc, et les données scientifiques allaient probablement changer le monde.

Toutefois, James commença à être sceptique quand on parla sérieusement d'ouvrir le parc en si peu de temps. A ses yeux, c'était trop tôt, il n'y avait pas eu assez de recul sur les dinosaures en eux-mêmes, pas assez de retour sur les gestions de crises, et il en vint à craindre la réaction en chaîne si le parc accueillait ses premiers visiteurs. Pour lui, certains dinosaures n'auraient pas du être présentés au public. Sans compter qu'il est clairement contre les manipulations génétiques trop poussées, qu'il a largement décrié, même si visiblement personne ne l'a pris en compte. Et à chaque fois qu'il prend le temps d'observer les deux Indominus Rex -un nom stupide si vous voulez son avis qu'il vous donnera de toute façon- il sent que les choses ne vont pas du tout. Leur comportement lui fait froid dans le dos, avoir de telles machines à tuer sur la même île que le parc lui fait redouter le pire. Et si demain, ils venaient à s'échapper, rien ne saurait les arrêter quand on connait si peu d'eux. A vouloir jouer aux apprentis sorciers, ils risquent bien de se brûler...